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A gauche fertilisation : azote/potasse A droite fertilisation : azote |
Lorsqu'en 1856, John Bennet Lawes mis en place à Rothamsted ce qui devait s'appeler l'expérience de Park Grass, pour étudier l'influence de 11 régimes de fertilisation sur la production fourragère en prairie, il ne se doutait pas que les résultats qu'il allait obtenir, bouleverseraient les dogmes les mieux établis de la maintenance des golfs.
Pendant plus de 159 ans, des programmes mixant des engrais azotés seuls ou additionnés de phosphore, de potassium, de magnésium, de soufre ou de calcaire pour réguler le pH, ont été appliqués. Il apparut bien vite que la fertilisation n'affectait pas que le rendement, mais aussi la composition botanique des plots expérimentaux.
Semées avec un mélange de graminées, de plantes fourragères et de légumineuses, dès 1860 Lawes écrivait dans le journal de la Royal Agricultural Society of England : " Les plots ont un aspect si distinct qu'il semblerait qu'ils aient été consacrés à des essais sur différentes semences, plutôt que sur différentes fertilisations."
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Vue aérienne de Park Grass, notez les différences de couleurs selon l'évolution botanique des plots semés originellement avec les mêmes variétés |
Un autre effet inattendu est que l'emploi de calcaire, de phosphore ou de potasse augmente l'abondance d'autres plantes indésirables pour la maintenance des golfs. Ainsi, là où de la potasse a été ajoutée, le pissenlit domine. Il est encore plus important dans les plots amendés avec du calcaire.
Parcelle n'ayant reçu que de l'azote
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Parcelle ayant reçu une fertilisation "classique" azote/phosphore/potassium/magnésium |
L'effet du pH sur la diversité botanique a été prouvé. Les parcelles acidifiées par des apports réguliers de sulfate d'ammoniaque ont perdu de leur diversité botanique, et l'agrostis et la fétuque dominent. Cette constatation, qui est à mettre en relation avec les effets positifs de l'acidification sur la diminution du pâturin annuel et des vers de terre, reconnus dans d'autres études, donne beaucoup d'espoir pour l'entretien des golfs.
Il est toutefois important de contrôler cette acidification car, trop prononcée, elle entraîne une baisse de la vie microbienne et une accumulation du feutre, causant d'autres problèmes de maintenance.
Dans un précédent post, j'avais expliqué qu'une fertilisation dépourvue de potasse, était un bon moyen de se garder de la fusariose. Park Grass montre, sous un angle différent, l'importance de n'apporter que de l'azote, de préférence sous forme de sulfate d'ammoniaque. C'est le moyen de limiter, sans utilisation de produit phytopharmaceutique, l'invasion des adventices et de favoriser l'implantation des graminées spécifiques à la maintenance des golfs.
Park Grass, expérience commencée avant l'ère industrielle, nous permet de mieux comprendre la dynamique d'implantation des plantes. Basés sur plus de 150 ans d'expérience, ses enseignements nous ramènent aux bases agronomiques de notre métier que, devant l'abondance d'études agronomiques commerciales, de produits magiques et de marketing trompeur, nous avons oublié.
Park Grass met en lumière le fait que la maintenance d'un golf ne se conçoit pas selon le schéma court termiste action/réaction : je constate la présence de mauvaises herbes, je pulvérise un herbicide. Agir comme cela, c'est traiter les conséquences et non les causes.
La grande leçon de Park Grass est que tout est affaire d'environnement. L'utilisation de sulfate d'ammoniaque, sans addition de phosphore ou de potasse, fournira aux agrostis et aux fétuques l'environnement idéal à leur prolifération, tout en décourageant l'invasion des mauvaises herbes. Ce raisonnement peut s'étendre aux conditions de sol qui influent sur la présence de maladies.
Les graminées utilisées en golf supportent des milieux modérément pauvres, acides et secs. La première mission de l'intendant est de s'assurer que ses pratiques d'entretien aient pour objectif de créer ces conditions. S'il y parvient, il se placera alors dans un cercle vertueux où, les maladies et les mauvaises herbes ne seront plus une réelle menace.
Mais ce type de maintenance ne peux s'envisager qu'à long terme. Ce qui, dans notre société actuelle, est de plus en plus difficile à envisager
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" Les plots ont un aspect si distinct qu'il semblerait qu'ils aient été consacrés à des essais sur différentes semences plutôt que sur différentes fertilisations." |
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