Brown is the new green

Dans un soucis de préservation des ressources en eau, les standards de maintenance des golfs vont devoir évoluer, ou tout du moins faire un choix, entre l'être et le paraître. Si pour les professionnels de l'entretien, ce changement est une évidence, pour le grand public, il est vécu comme une baisse de qualité des parcours. Parce que trop longtemps, la télévision a véhiculé une image trompeuse de ce que doit être un parcours de golf, il appartient à cette même télévision, et aux instances régissant le golf, d'expliquer la nécessité de ce changement, de ce retour aux valeurs premières du golf, celles d'un jeu.


Tu as vu la couleur du gazon, il est mort. Les fairways sont dures comme du béton. Ils roulent autant que les greens. Impossible de faire la différence entre les greens et les fairways. C'est de la paille. C'est moche.
Tels sont les commentaires entendus lors du dernier US Open, à Chambers Bay. Pour la préparation de ce parcours unique aux U.S.A, l'USGA avait appliquée, presque jusqu'à l'excès, son nouveau motto  : "brown is the new green". Ou, en d'autres termes, '"green is not great ", comme l'affirmait déjà, dans les années 1980-90, le plus grand agronome anglais, Jim Arthur.

Chambers Bay : un aspect et des conditions de jeu extrêmes
Pinehurst l'année dernière, Chambers Bay cette année, un message fort est lancé : la qualité des conditions de jeu n'a rien à voir avec la couleur du gazon. Et, avec les réserves d'eau qui diminuent, il faut s'habituer à voir les parcours sécher l'été.
Ce mouvement ne s'arrête pas aux Etats Unis. On se souvient tous du British Open de 2006, au Royal Liverpool Golf Club ; de la paille et pourtant acclamé par les joueurs.

Le Royal LIverpool Golf Club lors du British Open de
2006 : tout simplement parfait
A peu prêt à la même époque, en Angleterre, le Sport Turf Research Institute à Bingley publiait une étude sur la nécessité de l'arrosage des fairways. Ses conclusions étaient sans appel : il n'est pas besoin d'arroser les fairways pour bien jouer au golf. C'est un gaspillage d'eau et d'argent.
Il y a quelques années, le club de Vineuil-Chantilly, plutôt que de refaire le réseau d'arrosage de ses deux parcours, a décidé de ne plus irriguer ses fairways. Et cela ne l'empêche pas d'être un des meilleurs golfs de France et d'Europe, et de recevoir les plus grands championnats.

La raréfaction alarmante de l'eau et les canicules à répétition remettent en cause les standards de maintenance des golfs. Longtemps nous avons vécu sous la dictature du "syndrome d'Augusta" et de l'image de perfection irréelle relayée par les médias.

Le Master à Augusta : trop beau pour être vrai
L'impossible était devenue la norme. Des fairways verts immaculés, tondus selon des motifs complexes, des bunkers manucurés, et parfaitement blancs, des greens roulant à 4,20 m. Mais tout ceci a un prix que peu de golfs peuvent s'offrir. Et surtout, tout ceci est éphémère. Car, si Augusta est un des plus beaux parcours au monde, il n'est dans cet état proche de la perfection, que quelques semaines par an. La photo ci dessous vous le montre en plein été. Un golf comme les autres, de présentation banale, souffrant de la sécheresse, et parsemé de drypatchs.

Augusta l'été : un autre golf.
Mais quel mal y a t il à vouloir un beau golf ? Aucun, si l'aspect esthétique ne fait pas oublier l'essentiel : un parcours de golf est un terrain de jeu dont la première, et la plus importante des qualités, est de permettre une bonne pratique du golf.
Qu'importe la couleur d'un fairway, du moment qu'il porte la balle, qu'il soit ferme et roulant. Qu'importe qu'un bunker soit plus ou moins bien découpé ou ratissé, du moment que son sable a la bonne texture et qu'il joue son rôle pénalisant d'obstacle. Qu'importe qu'un tee soit plus ou moins engazonné, du moment qu'il est ferme et plat. L'essentiel est là. Et le reste - l’esthétique - vient après.
Car, à moins d'avoir un budget conséquent, il est impossible d'avoir un parcours visuellement parfait et des conditions de jeu irréprochables.
L'un se fait toujours au détriment de l'autre.

Tonte des fairways lors du Master à Augusta
Pour avoir un gazon vert , il faut plus d'eau et d'engrais. Mais cette pousse, artificiellement induite, produit du feutre et des maladies, un gazon trop souple et fragile. Il faut alors aérer, traiter, décompacter, drainer, changer le système d'arrosage, regarnir pour contenir le pâturin annuel.
Très peu de golfs peuvent s'offrir un tel programme d'entretien. Ils réduisent alors l'aspect agronomique, pour aller au plus simple et valorisant : l'aspect visuel.
Cette tendance est si bien ancrée, que certains intendants bâtissent leurs plannings de maintenance sur la notion de couleur, en dehors de toute logique agronomique. Mais il ne faut pas oublier que le gazon est comme tout végétal, il subit des variations saisonnières. L'arbre perd ses feuilles en automne, la végétation cesse de pousser en hiver et sèche l'été. Tout cela est immuable. Et vouloir aller contre la nature est une lutte perdue d'avance. Ce que l'on gagne d'un côté, on le perd de l'autre. Il est normal et sain qu'un golf roussisse l'été et jaunisse l'hiver. C'est le cycle normal du gazon. On peut l'atténuer, mais c'est tout. Le reste est une aberration, un non sens, que devant les contraintes environnementales de plus en plus strictes, nous devons oublier.

A la veille de profonds bouleversements  qui vont toucher le monde du golf, il faut se remémorer les conditions de jeu des années 1800. Pas d'arrosage, des greens fertilisés de temps en temps, avec un mélange de corne et de sang séché, tondus une ou deux fois par semaine,  des fairways broutés par les moutons, ou taillés par d'antiques tondeuses tractées par des chevaux, des roughs fauchés une fois par an par le paysan du coin pour en faire du foin, des bunkers, simples fosses de sable, parfois sans délimitation apparente. Saint Andrews et tous les autres golfs que nous vénérons aujourd'hui, c'était ça. Et les gens prenaient plaisir à les jouer !

Je ne milite pas pour un retour en arrière, une "décroissance' du golf, mais pour mettre en lumière d'où l'on vient, et souligner que nous sommes peut être allés trop loin. Aveuglés par les images trompeuses de la télévision, nous en avons oublié l'essence du golf ; un jeu où l'on tape une balle avec un club, là où elle est, pour l'amener dans un trou, situé sur une zone tondue plus ras.
Attention toutefois à ne pas passer d'un excès à l'autre. Après le "syndrome d'Augusta", il ne faudrait pas souffrir du "syndrome de Chambers Bay". Car un parcours, dans un tel état de sécheresse, ne peut être maintenu en vie très longtemps sous de telles chaleurs. Ce sont des conditions extrêmes, pour une compétition de très haut niveau. Néanmoins, le message de USGA a créé le buzz, et marqué les esprits. Nous sommes passés du tout vert au tout jaune !

Chambers Bay, à consommer avec modération
Alors quels sont les enseignements de ce week-end à Chambers Bay ?
Que la qualité d'un parcours ne se mesure pas à sa couleur, mais à ses conditions de jeu.
Qu'un parcours de golf est avant tout une surface de jeu, ferme et roulante.
Que le meilleur moyen d'atteindre ces conditions de jeu, est de maintenir le parcours "on the dry side". C'est à dire plutôt moins arrosé que trop.
Que le rôle de l'intendant n'est pas de faire pousser du gazon, mais de préparer une surface de jeu.

Ces simples constations vont avoir dans un futur proche d'importantes répercussions sur  l'architecture des golfs, la technique de jeu, le matériel d'arrosage, les méthodes d’amélioration des sols, et la sélection des semences de gazon.

Me vient alors à l'esprit le conseil du mon premier directeur de golf et ancien directeur de tournois, Gérard Bourge : laisse sécher ton parcours et tond le court, et les joueurs seront toujours contents. Une vérité que l'on vient de redécouvrir 25 ans plus tard !







1 commentaire:

  1. Très bon article! Sur la cote d'azur le sur-arrosage est systématique...La chaleur et l'humidité importante oblige des traitements phyto plus fréquents et importants!!!
    La jouabilité est compromise également.
    Noelick Gourgand
    Royal Mougins

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