Le changement c'est maintenant


Il en va du monde de la maintenance des golfs comme du monde en général. Il a succombé à la même maladie  : celle de la vitesse, du court terme, du maintenant, du tout de suite.
Le parcours est devenu un objet de consommation qui doit répondre, à l'instant, aux désiratas des joueurs, présidents, responsables. Parfois au delà du bon sens. Le parcours est jaune, fertilisez. Le parcours est sec, arrosez. Les greens sont lents, baissez la hauteur de tonte. Les greens sont fermes, je n'arrive pas à pitcher, arrosez. Cela ne vous rappelle rien ?




La résultante est un non sens agronomique. Trop arrosés, trop fertilisés, les gazons sont malades et feutrés. De lourds programmes de rénovation / réparation comprenant des aérations, de profonds verticuts, de gros sablages sont alors nécessaires, suivis de copieux apports d'eau et d'engrais pour la cicatrisation rapide de la zone travaillée. La boucle est bouclée.

Mais ça, c'était avant. Car depuis plusieurs années, en réponse aux contraintes économiques et environnementales grandissantes, certains intendants s'engagent dans de nouvelles voies. Pour un entretien moins consumériste et plus écologique.

S'engager dans de nouvelles voies moins consuméristes

Ils ne sont pas  les seuls. Aux Etats Unis, ou dans les pays scandinaves, de nombreuses études remettent en question les niveaux de fertilisations recommandés, ou proposent des programmes d'arrosage plus économes.
Au Royaume Unis, sous l'impulsion du Royal and Ancient à Saint Andrews, plusieurs initiatives ont vu le jour. Avec l'ambition d'un gazon sain avec moins d'intrants. Les mesures de la fermeté et de la régularité de la roule y sont mises en avant pour apprécier la qualité d'un green. De préférence à celle de la vitesse. 
En France, sous l'égide de l'association des personnels d'entretien des terrains de golfs ( AGREF ), des stages de perfectionnement sont organisés. Mieux formés, les intendants sont plus compétents pour entretenir des parcours en respectant l'environnement.

Pléneuf-Val-André : golf et nature en parfaite harmonie
La législation n'est pas en reste. Dans plusieurs pays, l'utilisation des produits phytosanitaires est de plus en plus encadrée. Déjà, en France, il n'existe plus de produit chimique pour lutter contre les insectes, tels que les tipules ou les noctuelles. En Italie et en Suède, la liste des produits de traitement autorisés se réduit au fil des ans. Au Danemark, il en reste si peu que la plupart des parcours peuvent être considérés comme pratiquant le zéro-phyto. En Californie, l'obligation de réduire en moyenne de 25% le volume d'eau d'arrosage a profondément modifié l'apparence des golfs. Brown is the new green y prend tout son sens.

Restriction, interdiction, réduction, les choses changent et il ne faut pas espérer un retour en arrière. Ce n'est pas souhaitable. Une nouvelle dynamique a été impulsée. Quelles peuvent en être ses conséquences ? Une redéfinition de la qualité des golfs ?

Une redéfinition de la qualité des golfs ?

Au Danemark, la fétuque fait son retour. Graminée robuste et tolérante aux manques d'eau et aux sols pauvres, elle se comporte très bien dans des sols sableux et des environnements ouverts, sous un piétinement modéré. Néanmoins le faible nombre de solutions phytosanitaires disponibles rend problématique la lutte contre les mauvaises herbes et les maladies. Le trèfle  et les maladies hivernales peuvent sévèrement réduire la qualité de jeu.

Smorum Golf Centre au Danemark : de la fétuque,
rien que de la fétuque
En France des expérimentations ont été menées. Un club, sur son 9 trous, avec le soutien d'un consultant, a décidé de remplacer les traitements pesticides par des méthodes alternatives. Après deux ans, l'étude a été stoppée. Le parcours était recouvert de mauvaises herbes et sérieusement touché par les maladies.
A l'Académie, utilisant un protocole validé par le centre de recherche gazon du Royaume Uni à Bingley, nous avons cessé de lutter contre les maladies de manière chimique. Nous appuyant sur une gamme de fertilisants spécifiques pour renforcer naturellement la plante. Notre trousse de secours était constituée d'une spécialité à base d'eau oxygénée pour calmer la maladie. Si l'expérience a été un succès - relatif - une partie de l'année, à la première attaque sérieuse de maladie, celle-ci a prise une telle ampleur, si vite, que nous avons dû pulvériser un fongicide. Trop tard pour permettre au gazon de récupérer avant l'hiver. Malheureusement.

Des solutions existent

Alors impossible d'entretenir des golfs sans recours massif à des produits chimiques ? Non, des solutions existent. Des intendants gardent leur parcours pratiquement indemnes de fusariose ou d'anthracnose, alors que ceux de leurs collègues voisins en sont infestés. Et ce, avec un minimum de fongicides. Juste une bonne gestion de la fertilisation, de l'arrosage, du travail du sol et des hauteurs de tonte. Bien sûr ces golfs sont peut-être moins verts ou luxuriants, mais ils sont sains et offrent des conditions de jeu de premier ordre.
Dans un autre domaine, on obtient un bon contrôle des insectes avec des produits à base de nématodes.
Les récents U.S Open à Chambers Bay ou à Pinehurst ont montré qu'un gazon sec n'était pas un obstacle pour jouer au golf.
Enfin, il a été prouvé que l'utilisation comme engrais d'azote seul ,sans phosphore, ni potassium, réduisait grandement l'invasion de mauvaises herbes.

Des solutions existent. Mais elles ont toutes un point commun : elles ne sont pas fiables à 100%. Si les législations deviennent encore plus draconiennes, il faudra s'habituer à voir des mauvaises herbes, quelques tâches de maladies ou de mousse, des zones sèches ou des greens, à certains moments de l'année, un peu moins rapides.

Il faudra faire des sacrifices

Il faudra faire des sacrifices, c'est le message délivré par Fred Yelverton, agronome à l'université de Caroline du nord. Il insiste sur deux points importants pour un gazon sain : maintenir le sol aussi sec que possible et relever la hauteur de tonte des greens.
Que ça me diriez-vous ? Oui, mais que d'implications et de conséquences derrière ces deux simples aspects culturaux. Car, avoir un sol sec, suppose un bon drainage, un arrosage judicieux complété par des bassinages manuels. Cela suppose aussi un taux de matière organique minimum, conséquence de bonnes pratiques de carottage, de décompactage et de sablage.
Quand à relever la hauteur de tonte des greens, c'est le meilleur moyen d'avoir une plante saine et vigoureuse. Et donc moins de maladies. C'est aussi une solution efficace, mais pas la seule, d'augmenter le pourcentage d'agrostis dans le couvert végétal. Malheureusement, qui dit un gazon plus haut, dit aussi des greens plus lents.
Cette hauteur supérieure obligera l'intendant à rechercher un nouvel équilibre dans son planning de maintenance. Pour cela il devra réduire les fertilisations et les arrosages, augmenter les brossages et les sablages. Il devra aussi rouler les greens pour leur restituer une partie de la vitesse perdue.
Nous sommes sans doute allés trop loin dans la recherche de vitesse, au détriment de l'état sanitaire du gazon. Alors que la fermeté et la régularité sont tout aussi importantes dans l'appréciation de la qualité de jeu d'un green.

Le golf change

Le monde change. En permanence. Et celui du golf aussi.
Les contraintes, les attentes, se combinent en une alchimie complexe pour donner vie aux parcours , tels que nous les souhaitons. Au gré des équilibres, leurs visages évoluent.
Il nous appartient d'être les acteurs prépondérants des mutations en cours. Vers des parcours encore plus respectueux de l'environnement. Il nous appartient à tous : gestionnaires, intendants, décideurs, fédération, d'expliquer aux joueurs que d'autres parcours sont possibles, autres que les terrains verts immaculés, à l'artificielle nature qui sont encore les standards actuels.
Ne serait-ce pas le meilleur moyen d'assurer la pérennité de ce jeu dont le club et la balle ne sont que des prétextes à une belle ballade dans la nature.

Une belle ballade dans la nature





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