De l'importance des sucres lents

L'été, soumises à rude épreuve, les graminées de golf sont acculées dans leurs derniers retranchements. Si la canicule et la sécheresse durent, elles entrent en stress sévère et peuvent disparaître.

Pour le préserver, l'intendant devra renforcer et endurcir le couvert végétal. Il optimisera les réserves en hydrates de carbone (HC) - véritables sucres lents - en maintenant, grâce à une croissance minimale, une balance positive de la photosynthèse sur la respiration. La maîtrise de l'arrosage à des périodes clés, forcera le développement du système racinaire et l'efficacité des mécanismes naturels de protection de la plante.

Ainsi, une maintenance judicieuse, en utilisant toutes les potentialités des graminées, sera la clé de voûte du planning de l'intendant pour des surfaces de jeu saines et résistantes.

La maintenance d'un golf, ce n'est pas faire pousser du gazon, c'est le maintenir ! 
Ce qui apparaît comme une évidence, est en réalité un challenge permanent. Car il faut un gazon sacrément costaud pour endurer le piétinement des joueurs, le passage des machines, des chariots et des golfettes, récupérer des arrachements et autres divots et enfin survivre aux attaques de pathogènes, parasites, sans compter les aléas climatiques qui poussent la plante dans ses limites physiologiques. Et tout cela à une hauteur comprise entre 3 mm  et 12 mm.

Pour lui permettre de résister, l'intendant n'est pas sans solution.  Mais il arrive parfois que la nature soit la plus forte et que, quelques soient sa préparation et son endurcissement, le gazon subisse les rigueurs de son environnement. C'est alors toute la physiologie du végétal qui est perturbée et les conséquences peuvent être sérieuses.
Pour saisir l'ampleur du phénomène, il est nécessaire de comprendre le fonctionnement d'une graminée.

Deux mécanismes principaux régissent les fonctions vitales d'une graminée : la photosynthèse et la respiration. 

"Si la plante vient à manquer d'hydrates de carbone,
 elle subira un stress"

Lors de la photosynthèse, la plante absorbe du gaz carbonique et, grâce à l'énergie lumineuse captée par les pigments chlorophylliens, elle casse cette molécule. Elle rejette l'oxygène et recombine le carbone avec de l'eau en des molécules complexes d'hydrates de carbone (HC). Elles sont stockées dans les racines.
La respiration oxyde les molécules d'HC pour produire de l'énergie et du gaz carbonique est éliminé. Cette énergie est utilisée pour la croissance et le métabolisme de la plante. Plus la croissance sera importante, plus la quantité d'HC oxydés le sera aussi.

Les HC jouent donc un rôle clé. On peut les comparer à des sucres lents dont la dégradation fournit l'énergie nécessaire au bon fonctionnement physiologique. 
Du bilan photosynthèse/respiration dépendra la vigueur, le développement, la bonne santé, la résistance du gazon. Si la quantité d'HC produite par la photosynthèse est supérieure à celle détruite par la respiration,  la plante aura toujours du "carburant" pour fonctionner. Quelle vienne à en manquer et elle subira un stress.

C'est souvent la cas en fin d'été quand les températures dépassent les 30°C et inhibent la photosynthèse. La plante, pour subvenir à ses besoins de croissance, compense la faible synthèse photosynthétique d'HC en puisant dans ses réserves racinaires. Il arrive un moment où, si la période de canicule se prolonge, les réserves s'épuisent. Le stress qui en résulte entraîne pour le gazon un aspect jaunâtre, une perte de densité, une baisse de la croissance et de la vigueur, une sensibilité accrue aux maladies et surtout une dégénérescence racinaire. En effet les racines stockent la majeure partie des HC. L'épuisement de ces réserves provoque le déclin racinaire qui s'accélère lorsque les températures atteignent 35°C pendant 5 jours d'affilé. Les racines raccourcissent, brunissent, se nécrosent et meurent. On considère qu'un 1 cm de chevelu racinaire permet d'absorber  l'équivalent d'1 mm d'ETP. L'ETP est l'eau perdue sous l'effet de l'évaporation et de la transpiration. L'été, les pertes peuvent s'élever à 8 mm par jour. Ce qui nécessite un enracinement d'au moins 8 cm pour une bonne alimentation en eau. C'est ici que l'agrostis, avec son aptitude à émettre de longues racines, prend toute sa valeur sur la pâturin annuel et son enracinement superficiel.

Lorsque le gazon est en stress, il est déjà trop tard. C'est dans les mois précédents que réside la clé du succès. C'est à ce moment qu'il faut engranger le maximum d'HC. 

Deux stratégies  permettront de fortifier la plante :
Optimiser la production d'HC pendant les périodes propices à leur synthèse, limiter la consommation superflue d'HC. 
Pour cela la croissance, principale consommatrice d'HC, devra être limitée au strict minimum pour le maintien d'un couvert végétal homogène.

"Intendant de golf : manager d'hydrates de carbone"

La fin de l'automne est la période la plus importante. La température est trop fraîche pour la croissance des feuilles mais pas pour celle des racines, l'ensoleillement est encore bon et la photosynthèse fonctionne à plein. C'est à ce moment que se décide, en grande partie, la qualité du gazon pour l'année suivante. La faible croissance foliaire limite la consommation d'HC. L'excédent est stocké dans les racines. L'utilisation d'engrais liquide permet de maîtriser le niveau de pousse : juste ce qu'il faut pour compenser l'usure. On veillera, pour profiter de la croissance racinaire qui s'arrête plus tard, à stimuler la plante le plus longtemps possible. Jusqu'à deux semaines après l'arrêt total de la pousse. L'usage d'une formule de calcul où intervient la notion de Growing Potential aide au pilotage de l'azote. L'utilisation de fer et de magnésium, par leur pouvoir verdissant, soutiendra l'activité photosynthétique. Un gazon vert dense et très peu poussant est ce que l'on recherche.


Au début du printemps, les températures sont fraîches et l'ensoleillement faible ; la photosynthèse est limitée. Il convient de préserver le stock d'HC en ne fertilisant pas trop tôt. Dans le cas inverse, la croissance induite entraînerait une baisse des réserves d'HC. Si le couvert végétal en sortie d'hiver est creux, en attendant la pousse printanière naturelle, de faibles quantités d'engrais peuvent être pulvérisées. Elles permettront de maintenir la surface dans l'attente de conditions favorables de pousse .

Au fur et à mesure que l'on s'avance dans la saison, les températures approchent de l'optimal de croissance, l'activité microbienne du sol est maximale, l'azote naturel est rapidement transformé pour être assimilé pour les racines. La gestion des HC ne pose pas de problème. La photosynthèse fonctionnant à plein régime, les besoins de croissance ne mettent pas à mal les réserves. Une fertilisation ne se justifie que dans le cas où les sols, trop pauvres, ne permettent pas un développement suffisant de la graminée. Cela peut être la cas pour les greens et les départs construits sur sols sableux. Lorsque la pousse printanière s'atténue, il faut soutenir la croissance pour avoir, à l'entrée de l'été, la meilleure densité. Car, quand les chaleurs estivales vont arriver, la croissance sera aléatoire et, meilleure sera la couverture gazonnée avant, meilleure elle le sera après cette époque de stress majeur. C'est aussi un bon moyen de lutter contre l'invasion des graminées estivales. 

Ainsi, entretenir du gazon sain, robuste et capable de supporter la pression environnementale peut se résumer à veiller à ce que la plante produise et stocke plus d'HC qu'elle n'en consomme. Et à ce titre nous pouvons être considérés comme des managers d'HC.

Mais gérer les HC, n'est pas tout. Si l'on veut donner une chance à la plante de supporter le stress estival, il faut l'habituer au manque d'eau, aux fortes températures et renforcer son système racinaire pour puiser plus d'eau. Cela est rendu possible par l'utilisation de techniques appelées " summer pre-stress conditionning ".
Techniques qui vous serons expliquées dans un futur post...









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