Les vertus du stress

L'été est une épreuve. Pour l'intendant et son parcours de golf. Il n'a aucun contrôle sur le climat, mais il peut agir sur la plante. En la rendant tolérante aux chaleurs extrêmes et au manque d'eau.
Dans un précédant post nous avions découvert l'importance des hydrates de carbone (HC) pour les graminées. Véritables sucres lents, ils sont le carburant de leurs fonctions vitales. Une gestion judicieuse de la fertilisation optimise leur quantité.



Mais gérer les HC n'est pas suffisant si l'on veut donner une chance à la plante de survivre au stress estival. 


Il faut l'habituer à supporter le manque d'eau et les fortes températures. On y parvient en laissant sécher le gazon. A la limite du drypatch. Mars, avril et mai, lorsque les températures ne sont pas trop chaudes, sont les mois idéaux pour cette pratique d'endurcissement appelée "summer preconditionning".

Quels sont les effets de ce "mini stress hydrique" ? Privée d'eau, la plante va projeter ses racines profond dans le sol à la recherche d'humidité. Le chevelu racinaire va se densifier pour être plus efficace à absorber la moindre trace d'eau. L'augmentation de masse racinaire entre une plante soumise à ce traitement et une qui ne l'a pas été peut être de 100 %. 100  % de racines en plus, 100 % d'eau absorbée en plus, 100 % de possibilités de stocker des HC en plus.


Arroser et attendre

L'arrosage pour atteindre cet état est très "tricky", comme disent les américains. La stratégie pour y parvenir est d'arroser et d'attendre. Attendre que le gazon présente les premiers signes de déshydratation. Attendre que, malgré le bassinage des zones sèches, l'ensemble de la surface soit en manque d'eau. Attendre encore un peu. La dose d'eau apportée à ce moment sera fonction de la nature du sol, de la profondeur d'enracinement et des températures. Elle devra permettre de tenir plusieurs jours sans pour autant saturer le sol en eau.

Cette alternance de conditions sèches et humides va forcer la plante à s'adapter à cette sécheresse contrôlée. En encourageant une forte pousse racinaire, mais aussi en altérant son métabolisme pour le rendre plus performant. Augmentation du potentiel d’absorption en eau des cellules, renforcement du mécanisme de régulation de la température interne et surtout, intensification de la production d'HC via la photosynthèse. Telles sont les transformations résultantes d'une exposition à un stress hydrique modéré au printemps.

Mais comme toujours les choses ne sont pas aussi simples 

Le rôle de l'intendant ne se résume pas à soulager la plante lors des périodes de stress. Il doit tirer profit de cette pression environnementale pour agir sur la composition floristique des greens. Même préparée, l'été, une plante souffre. Elle souffre d'autant plus si l'intendant n’adapte pas ses pratiques d'entretien pour soulager ses fonctions physiologiques altérées.
La hauteur de tonte, la fertilisation et la gestion de l'arrosage sont ses leviers pour contrôler la quantité de stress appliquée pour favoriser l'agrostis au détriment du pâturin annuel.

Dans les greens deux graminées cohabitent. Celle qui a été semée, l'agrostis et celle qui a envahi les surfaces de jeu, le pâturin annuel.
La première est résistante aux maladies et à la sécheresse. La seconde supporte mal la chaleur, le sec et est sensible aux pathogènes. Son enracinement est superficiel. Pour sa reproduction, le pâturin émet au printemps des graines qui perturbent la qualité de la roule et entame, avant l'été, ses réserves en HC. Pour toutes ces raisons, il est de l’intérêt de l'intendant de limiter l'implantation de cette graminée.
Soumis à une stratégie minimaliste de tonte, de fertilisation et d'arrosage, le pâturin entre vite en stress. Ces conditions restrictives, l'agrostis les supporte bien mieux. Elle en profite pour envahir avec ses stolons les zones de pâturin clairsemées.



L'agrostis bleutée supporte bien l'été alors que
le pâturin montre des signes de faiblesses
L'agrostis est en pleine forme. Ce n'est le cas du pâturin
qui, jaunâtre, est à la peine

L'agrostis, grâce à ses stolons, envahit le pâturin trop faible
pour s'opposer

Stressé, le pâturin est alors sensible à l'anthracnose. Cette maladie qui épargne l'agrostis est un moyen efficace de réduire le pâturin.
Soigner le mal par le mal

Laisser s'installer l'anthracnose dans ce but demande de la finesse. Car le pathogène prospère vite et est difficile à stopper. Et, si on a mal évalué le pourcentage de pâturin présent, les effets peuvent être dévastateurs. Cette technique est à utiliser en fin d'été. Les températures commencent à baisser et la maladie, moins virulente, est plus facile à bloquer si elle prend trop d'ampleur. Cette façon de soigner le mal par le mal est un moyen, certes radical, mais très efficace de limiter l'invasion du pâturin dans des greens.


L'été est une épreuve. Pour l'intendant et son parcours de golf. Heureusement il n'est pas sans solution.
Des opérations d'entretien aussi simples que tondre, arroser, fertiliser peuvent avoir des conséquences radicales sur le taux d'HC, l'enracinement, la quantité de pâturin annuel, la résistance du gazon durant les mois les plus chauds.
Faites varier le hauteur de tonte de 1 mm en plus ou en moins selon les saisons et le pourcentage de pâturin dans le tapis végétal régressera.
Diminuez la quantité d'azote de 25 % et vous boosterez la production d'HC.
Réduisez votre arrosage de 10% et vous renforcerez la plante et son système racinaire.
De simples ajustements pour de grandes différences. C'est ainsi que nous pourrions définir le greenkeeping. Ce métier, né il y a 170 ans, parfois oublié, abusé par l'avalanche de produits commerciaux, inutiles et trompeurs, n'a pas vraiment changé. Il est ce qu'il a toujours été. Un art. L'art de s'affranchir des notions d'agronomie générale. L'art de marcher sur le fil, de maintenir l'équilibre entre le trop peu et le pas assez. Un art requérant du bon sens, de l'observation et du feeling. Tout simplement.







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire