Une question d'équilibre

La protection de l'environnement est devenue, par la force des choses, une préoccupation majeure pour tous ceux qui participent à l'entretien des golfs. Du moins en apparence. Car bien souvent ces pensées vertueuses se traduisent par un logo vert, l'ajout du préfixe 'éco', ou les promesses d'un effet bénéfique que l'on attend toujours.





L'industrie du golf ne peut se contenter de quelques patchs verdâtres pour clamer avoir réduit son impact sur l'environnement. L'entretien écologique des golfs mérite mieux que ce type de raisonnement qui considère la nature comme une niche commerciale, un nouveau marché à conquérir.
NOUS DEMANDONS TOUJOURS PLUS A LA  NATURE.
Aveuglé par notre vision judéo-chrétienne de la nature, nous lui demandons toujours plus, toujours mieux. Ce raisonnement a atteint ses limites. Nous devons changer. Comprendre que le gazon vit dans un sol qui est un écosystème vivant. Il ne faut plus voir l'entretien d'un gazon comme une série de problèmes ou des symptômes à traiter ou à éradiquer, mais comme l'entretien, la protection de la multitude d'êtres vivants qui peuplent le sol et dont l'équilibre permet de faire vivre les plantes qui s'y enracinent. 
Un équilibre qui permet qu'une maladie ne soit jamais virulente au point d'endommager les greens et de compromettre sa qualité de jeu. Un équilibre qui permet à la plante de survivre à un été torride et, même si elle est desséchée et mal en point, de redémarrer au retour de conditions climatiques favorables. Un équilibre qui permet aux surfaces de jeu de s'améliorer d'année en année, en gardant un enracinement vigoureux et un feutre réduit. 
Cet équilibre, c'est la nature qui le garantie, c'est l'homme qui le détruit.
LA NATURE PREND SOIN DE TOUT. A SA MANIÈRE.
C'est la nature qui veille à ce que les attaques de maladies restent bénignes, en s'assurant de la prépondérance des champignons bénéfiques sur les pathogènes. C'est la nature qui maintient le feutre au minimum en stimulant la vie microbienne qui le décompose. 
La nature prend soin de tout ça. De ça et de bien d'autres choses. A sa manière, selon ses règles. Car la nature, dans ses imperfections, est parfaite. Il y aura toujours de la maladie, mais pas trop, toujours des mauvaises herbes, mais pas beaucoup, toujours du feutre, mais jamais en excès. 
C'est sa façon de faire, son point d'équilibre. 
Il faut le comprendre, il faut l'accepter. Malheureusement, dans notre désir de toujours vouloir plus, nous demandons à notre environnement l'impossible : la perfection.     
Pas de maladie, pas d'adventice, un gazon luxuriant, même en pleine canicule. Nous décidons du bien ou du mal, sans tenir compte du fait qu'ils sont liés, que l'un ne peut exister sans l'autre, qu'ils sont les facettes d'une même chose.
DANS NOTRE IGNORANCE NOUS BOULEVERSONS L’ÉQUILIBRE NATUREL.
Un champignon n'est pas nuisible en lui même, c'est sa prolifération qui en fait un pathogène. Une mauvaise herbe n'est mauvaise que quand son abondance nuit à l'homogénéité esthétique, ou aux qualités de jeu. Tout est une question d'équilibre.
Et nous, dans notre ignorance, et notre désir de soumettre la nature à notre volonté, nous bouleversons cet équilibre naturel.
Ainsi, par exemple, si une maladie vient à se déclarer, nous pulvérisons un fongicide. Et ce produit agit comme un bon petit soldat, il fait ce pourquoi il a été crée, il détruit non pas le, mais les champignons, sans distinction de leur pathogénicité. Il fait place nette, la politique de la terre brûlée, table rase. Au diable toute notion d'équilibre !
Mais le plus grave intervient après. Quand les résidus de la matière active sont dégradés, essentiellement par les bactéries, les champignons recommencent à croître et à coloniser le substrat. Enfin les champignons restants, les survivants. Occupant l'espace laissé libre après la disparition des champignons traités. Car la nature est en perpétuelle évolution, selon les règles de la concurrence territoriale. Ainsi, si les champignons de la famille des ascomycètes ont été fortement réduits par un traitement, les basidiomycètes profiteront de leur disparition pour investir la place et s'accaparer les substances nutritives laissées disponibles.
Plus encore, lorsque les ascomycètes vont recommencer à se multiplier, bien souvent ce sont les souches pathogènes qui vont proliférer, donnant naissance à une spirale d'attaques de maladie et de traitements.
Plus encore, pour résister à ces agressions répétées, la nature, sur le principe de la vaccination, va rendre résistants les champignons traités. L'intendant sera alors obligé de changer de produit et d'augmenter les doses et les fréquences de traitement.
Plus encore, les traitements à répétition vont appauvrir la population des champignons vivants en symbiose avec les racines des plantes. Ces champignons, qui ont un rôle majeur dans l'absorption des éléments nutritifs, de l'eau, ou dans la protection contre d'autres champignons, en disparaissant, vont accroître la dépendance des plantes aux engrais et aux produits de traitements.
Est-ce à dire qu'il ne faut pas traiter ? Ce n'est si simple.
D'abord parce que l'intendant subit la pression des joueurs, des dirigeants qui, à la vue de quelques tâches de maladie, s'imaginent que c'est l'ensemble des greens qui vont être endommagés, injouables. L'intendant, dans ces conditions, choisit souvent la facilité, celle qui rassure tout le monde et protège son emploi : il traite.
Me reviennent en mémoire les paroles d'un collègue quand je lui demandais comment étaient ses greens. Il me répondit qu'ils souffraient d’anthracnose mais qu'aucun joueur ne l'avait remarqué.
A l'Estérel, l'été, nous avons régulièrement des départs de dollar spot qui sont traités localement. Jamais un joueur ne s'en ai plaint.
Il y a un monde avant qu'un green malade ne devienne injouable. Et quelques tâches ne changent pas grand chose, si elles restent isolées, en équilibre.
LA MALADIE N'EST QUE LA PARTIE VISIBLE DE L'ICEBERG.
Plus que sa présence, c'est sa dynamique qui fait le danger d'une maladie. Si elle est virulente, agressive, que les symptômes se multiplient rapidement et s'étendent aux autres greens, c'est signe que l'écosystème est déséquilibré et il y a danger.
Bien souvent, on considère qu'un gazon est mal entretenu s'il est malade. Mais la maladie n'est que la partie visible de l'iceberg. Et plutôt que de se contenter d'adresser les conséquences : le pathogène, il faut agir aux racines du mal : le sol dans lequel croît le gazon et qui, s'il est déséquilibré, n'autorisera pas la nature à jouer son rôle de régulateur.


Lorsqu'on parle d'entretien écologique, on pense souvent aux bactéries, aux champignons et insectes qui jouent un rôle prépondérant dans le fonctionnement du sol. Mais d'un postulat pertinent, on en tire de mauvaises conclusions. Entretenir un sol et sa fertilité, ce n'est pas ramener de la matière organique, il y en a toujours assez, voire de trop, ce n'est pas ramener des bactéries ou des champignons, ce n'est pas ce qui manque, ce n'est pas épandre des décoctions de plantes ou de jus organique dont l'effet n'est que temporaire. Entretenir un sol c'est apporter les éléments indispensables à l'existence des êtres vivants qui le peuplent : l'air et l'eau.
L'AIR : LE MEILLEUR ENGRAIS.
Ne nous trompons pas, nous n'avons pas d'influence sur le pH, et, si la matière organique doit être maintenue basse, le phosphore, la potasse ou les oligo-éléments ne sont jamais un problème. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire les analyses de sol.
Non, ce qui peut déséquilibrer un sol et son écosystème, ce sont l'air et l'eau. L'un chassant l'autre. L'eau occupant la place de l'air. Car si tout être vivant a besoin d'eau, c'est bien d'air dont il ne peut se passer. Cet air qui se raréfie quand les sols se compactent, et dont l'absence appauvrit le milieu, entraînant une disparition de la flore utile et son remplacement par une flore anaérobie, nocive pour les plantes.
L'intendant, par une combinaison d'aérations profondes et superficielles, des sablages judicieux, une gestion rigoureuse des arrosages, une fertilisation minimale, essentiellement azotée, gérera son sol et sa vie microbienne. Vie microbienne qui en retour permettra la croissance de graminées robustes, vigoureuses, bien enracinées et résistantes aux agressions physiques et fongiques.
Ce sont là les bases de l'entretien écologique. Tout simplement.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire